Depuis les années 1960, l’ouverture d’esprit et les changements de mentalités font que de plus en plus de personnes sont prédisposées à vivre l’aventure de la transe. Selon les époques, le chamanisme s’est vu transformé dans les perceptions occidentales. D’abord, perçu comme « une sorte de religion diabolique et sauvage » à la fin du XVIIe siècle, il a connu diverses interprétations jusqu’à nos jours, où la tendance est à l’expérience vécue et au développement personnel et spirituel, créant de véritables processus de subjectivisation. La figure du chamane n’incarne plus désormais la marginalité et la folie, mais au contraire, la sagesse, la connaissance, la créativité, la singularité toute connectée. De la contre-culture des années 1970 à l’actuelle déferlante New Age, avec les succès de Carlos Castaneda et de Michael Harner, le chamanisme s’est popularisé ; non plus comme un système de représentations et de pratiques indigènes à étudier ou à combattre, mais comme un système originel et universel, singulier et subversif adapté à notre XXIe siècle. Michael Harner, fondateur à la fin des années 1970 de la Foundation for Shamanic Studies, prône un core shamanism, c’est-à-dire, un chamanisme essentiel, dépouillé de toutes contingences culturelles. Un ensemble de techniques psychocorporelles expérimentées et éprouvées sont enseignées lors de séminaires, de festivals ou de rassemblements chamaniques un peu partout en France, en Allemagne et en Suisse. Les stagiaires sont initiés au voyage chamanique, mais c’est l’animateur organisateur du stage qui joue du tambour pour des élèves allongés au sol en totale immobilité. La conception même du voyage chamanique au tambour est alors complètement renversée. On peut parler de « voyage inversé » dans lequel ce n’est plus le chamane qui voyage, mais bien le patient à qui le chamane ouvre un monde dans lequel il va lui-même trouver les réponses à son mal-être, trouver de la force, de l’énergie, des ressources… Le voyage au tambour popularisé par Michael Harner dans son chamanisme universel implique la construction d’une cosmologie interne, personnelle et subjective, mais qui va au-delà de soi, dans une vision du monde unifiée et connectée à plus grand que soi. Les différentes techniques retenues, comme le voyage chamanique au tambour, la rencontre avec les animaux de pouvoir, l’extraction et le recouvrement d’âme sont très proches des thérapies dites humanistes, des visualisations guidées et de l’hypnose. Les stagiaires sont invités à s’allonger sur le sol, les yeux bandés d’un foulard, et à se laisser emporter par les percussions du tambour. La consigne est simple, pour un voyage dans le monde d’en bas : s’imaginer dans un lieu de nature, connu ou imaginé, à partir duquel, en vision intérieure, repérer un passage dans la terre, une grotte, souche d’arbre, source, trou dans la terre ou dans un arbre qui permette d’emprunter un tunnel, un boyau, un canal qui débouche sur un autre monde, celui du bas, qui, pareillement au monde du milieu, celui de notre réalité ordinaire, peut comporter le ciel, les océans, les montagnes, toutes les merveilles du monde réel et plus encore, puisque tout est possible dans la fantaisie visionnaire de chacun. Les stagiaires peuvent expérimenter le monde d’en haut en s’élevant dans les airs, en visualisations, pour accéder de la même manière à une autre dimension intérieure ou extérieure à soi, qui permet d’atteindre un espace virtuel infini. La deuxième consigne pour un voyage au tambour classique, pour aller rencontrer son animal de pouvoir par exemple, va être de chercher ou de laisser venir un ou plusieurs animaux et de vivre somatiquement, dans son corps et ses perceptions, le voyage, les paysages, les rencontres avec des entités animales ou féériques. Les témoignages sont riches de détails et de ressentis : visions colorées de paysages et de mondes divers, visions d’animaux existants ou imaginaires, visions d’entités à formes humaines ou incarnant des divinités, fusion avec les animaux ou avec les éléments (eau, air, feu…), changement de forme corporelle (lycanthropie ou autre), télépathie ou discussion avec les entités, sensations de déplacements (voler, ramper, courir, nager, couler…) et de vitesse. Dans les témoignages recueillis, les animaux les plus courants (loup, ours, cerf, lion, baleine, dauphin, aigle, serpent…) servent de moyen de locomotion pour partir explorer ce monde et les sensations de fusion permettent de devenir loup, ours, dauphin, aigle et de courir, nager, voler directement. Au bout d’une demi-heure à peu près, les battements de tambour vont adopter un rythme différent, signe qu’il est temps de « rentrer ». L’animateur va indiquer qu’il est conseillé de revenir par le même passage pour « remonter » au point de départ et, enfin, revenir prendre contact avec son corps allongé « ici et maintenant ». Un moment d’échange permet au groupe de partager les expériences, de les interpréter, de les fixer aussi dans sa mémoire pour ne pas les oublier. L’animateur peut notamment donner une dernière consigne qui consiste à écrire ou dessiner à chaud tout ce qui vient d’être vécu. Dans le chamanisme occidental, l’apprenti se construit sa propre cosmologie voire sa propre légende par une succession d’interprétations de ses expériences cognitives et perceptuelles qui le fabriquent en tant que « chamane ». Les ressentis et les images intérieures associés à des techniques du corps et des mises en contexte (rituel, immersion en nature, contact avec les arbres…) créent de nouvelles réalités partagées, des mythes d’un nouveau genre puisqu’ils sont somatiquement vécus. Cette matière sensorielle et somatique, accumulée dans un processus d’apprentissage va donner lieu à des interprétations, des échanges, des partages et constitue un capital chamanique que l’initié se construit au fur à mesure des expériences vécues. Source : "Le voyage chamanique au tambour Des traditions mongoles aux thérapies du troisième millénaire..." de Laetitia Merli
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Janvier 2023
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